"Libération n'a plus rien à faire sur X, ou alors je n'ai plus rien à faire sur LIbération"
Lettre ouverte au journal Libération
Bonsoir la rédaction de Libé,
Après la réélection de Trump grâce à la propagande et à l'argent d'Elon Musk, les médias attachés à leurs libertés et aux libertés publiques n'ont plus rien à faire sur le réseau Twitter/X.
Sur une plateforme dont les moindres fonctionnalités visent à promouvoir des discours de haine d'extrême droite, où la sécurité des personnes n'est plus du tout assurée par une modération rabougrie et partisane, et dont l'argent acquis par les publicités et la valorisation en Bourse permet à Elon Musk de financer l'extrême droite de Trump, de Bolsonaro et consorts, la présence persistante de journalistes de profession est non seulement révoltante et suicidaire. Elle persiste en effet à conférer à Twitter/X une respectabilité, un statut social et une mise en avant médiatique.
Il est urgent, pour l'ensemble des médias dans le monde, de cesser de se contenter de postures dans leur défense des droits humains et de la liberté de la presse, et de commencer à vivre et à travailler en plein accord avec ces principes. Sans cela, ils contribueraient à la chute d'autres régimes démocratiques, et cette chute, n'en doutons pas, entraînerait avec eux les journalistes, comme les professions intellectuelles, les artistes, les minorités et toutes les voix critiques.
J’espère que ce n’est pas à moi, simple particulier, de rappeler à des journalistes de profession qu’il ne sert plus à rien, dans l’état actuel de X, d’y rester au prétexte d’apporter la contradiction sur un réseau dont la structure et l’algorithme ne mettent avant que les polémiques binaires et violentes et les discours de haine et font tout pour ravaler les faits au même rang que les délires complotistes les plus obscurantistes. En incitant vos collègues et vos contacts à rester là-bas, vous vous mettez en danger et vous les mettez en danger, elles et eux et leurs données personnelles.
Je précise bien, toujours au cas où , qu’il ne s’agit pas de ne plus jamais aller sur X, mais d’y cesser votre communication officielle et d’y fermer votre compte afin de dénoncer publiquement ce qu’est devenu ce réseau, de cesser de prendre part à sa machinerie financière et publicitaire et de lancer vous aussi l’alerte auprès de votre lectorat, de vos collègues et de vos sources.
Abonné de Libération, j’avoue que je me lasse d'attendre cette mise en cohérence entre le discours et les actes de la part de votre journal. Je lis dans vos pages que « le débat est ouvert » sur un possible départ. Mais pendant que vous tergiversez, les fachos font souffrir des gens sur ce réseau, des gens qui n’osent pas partir parce que « les gens y sont » (et notamment vous). Libération, quand vous libérerez-vous de la peur de perdre des followers que vous retrouverez d’autant plus facilement ailleurs que vous aurez été fidèles aux valeurs que vous portez ?
Vous comprenez bien qu'il est hors de question de verser mon argent à un journal qui continuerait à contribuer à la valorisation financière de ce qui est devenu la principale plateforme sociale d’extrême droite mondiale et l’outil de propagande massive du néofascisme trumpiste.
Dans ces conditions, si vous prenez vos responsabilités et que vous quittez le réseau X, j’aurai le bonheur de continuer à vous lire et à soutenir votre travail avec respect et même avec fierté. Mais si vous ne quittez pas X, je me tournerai vers d’autres médias plus intègres que vous.
J'espère donc qu'après The Guardian, la Vanguardia et Ouest France, mais aussi à l'exemple de nombreuses professions intellectuelles, d'universités, d'associations de défense des droits humains et de plusieurs personnalités politiques, Libération fera le bon choix face à l'Histoire. Le choix de l'humanité face à la haine et le choix de l'intégrité face à l'esclavage du nombre de followers. Si réellement vous luttez contre l’extrême droite et pour le monde que vous voulez, plutôt que d’alimenter le récit complaisant de la fatalité et de la résignation, alors il n’y a ni hésitation à avoir ni temps à perdre.
Nous avons la France et le monde à sauver. Et tous les corps de la société civile ont un rôle à jouer pour cela, à commencer par les journalistes. On vous attend. Venez-vous ?